A la mémoire de Paul Comparat

Jean Mathieu

Témoignage du professeur Jean Mathieu sur Paul Comparat qui fut directeur de l'École Centrale de Lyon de 1950 à  1976

Mots-clés :

Hommages, Paul Comparat.

Keywords :

Paul Comparat, Tribute.

Géographique :

Écully (Campus ECL),
Jean  Mathieu
Professeur émérite de l'École Centrale de Lyon, fondateur et ancien directeur du département de mécanique des fluides

Texte intégral

1 L'École Centrale passa, sans tapage apparent pour le jeune chargé de cours que j'étais, de la direction Lemaire à  la direction Comparat. Cependant, il eut été difficile d'imaginer deux personnalités plus différentes. J'avais connu et admiré comme élève la personnalité fascinante du professeur Lemaire...

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Paul Comparat, directeur de l'ecl de 1950 à  1976, ici posant avec la promotion 1968 sur le campus d'Écully (septième en partant de la droite, sixième en partant de la gauche, au premier plan)

Crédits : Atelier photo Lyon Reportage

Paul Comparat, directeur de l'ecl de 1950 à  1976, ici posant avec la promotion 1968 sur le campus d'Écully (septième en partant de la droite, sixième en partant de la gauche, au premier plan)

Crédits : Atelier photo Lyon Reportage

2Le directeur Comparat me reçut dans son bureau pour un premier contact qui devait ouvrir le cours de nos relations. L'homme avait la quarantaine, sa distinction n'était point feinte mais elle allait de pair avec la place qu'il occupait. Son apparence laissait plus deviner une convivialité naturelle qu'un désir immédiat de contacts humains profonds. Je connaissais quelque peu les difficultés que rencontrait, à  cet instant, l'établissement. Son aspect n'avait cependant guère changé depuis le jour où je l'avais connu, jeune étudiant chargé d'espoir et de crainte : même façade jaunissante encadrée ça et là  de coulées brunes, même cour aux platanes fatigués. De l'ensemble se dégageait plus une atmosphère de recueillement que d'ennui. C'est du reste dans cette ambiance que j'avais appris à  réfléchir. Cette relative immobilité des choses et des gens m'effrayait et me rassurait tout à  la fois. Pour le nouveau directeur, sa destinée semblait se situer quelque peu hors du temps. Il était là  par le biais des circonstances et ne semblait ni rapetissé ni grandi par les charges qui pesaient sur lui.

3J'étais à  cette époque ingénieur dans l'industrie aéronautique, partageant avec d'autres le devenir du centre de Modane-Avrieux où s'installaient l'une après l'autre ce que des journalistes en quête de mots qui hurlent appelèrent « les cathédrales des tempêtes ». Mais laissons leur la paternité de cette boutade. Le travail était passionnant mais ma situation personnelle laissait entrevoir comme souhaitable un retour à  Lyon. Curieusement, après quelques rencontres qui me permirent d'apprécier combien cet homme à  l'apparence réservée pouvait nourrir de grands projets, le directeur me demanda si la carrière professorale me conviendrait. J'avais toujours enseigné depuis ma sortie d'école, invité à  cet exercice par mon maître le Professeur Lemaire, mais la carrière enseignante appelait des réaménagements certains dans ma vie journalière et des complémentarités à  apporter à  mon curriculum vitae. Le doctorat était requis pour réussir pleinement la carrière envisagée. Surpris et honoré par cette proposition, je finis par répondre positivement après avoir pris contact avec le Laboratoire de Mécanique des Fluides de Grenoble où le professeur Craya acceptait de diriger ma thèse. Je passais dans ce laboratoire 3 ans dans une ambiance faite d'amitié et de travail. Tellement assimilé à  ce milieu grenoblois, le professeur Kravtchenko m'offrit de faire carrière dans son équipe. J'hésitai quelque peu mais jamais le directeur Comparat ne voulut abandonner son plan initial : « Mathieu sera des nôtres à  Lyon sauf s'il décide du contraire ». Je m'excuse d'avoir si longuement parlé de moi mais je voulais, par là , montrer quel pouvait être le caractère déterminé de Paul Comparat. Son plan, il le peaufinait tous les jours et malgré la stature modeste de son établissement battu par les changements momentanés il gardait en mémoire une ligne indéfectiblement tracée.

4L'École n'avait alors aucun statut qui laissait entrevoir un objectif de recherche mais je le soupçonne aujourd'hui d'avoir nourri longtemps à  l'avance un plan de renouveau de l'établissement qui incluait toute une politique de recherche. Ayant eu l'honneur de soutenir ma thèse devant un jury présidé par le professeur Néel, futur prix Nobel, j'arrivais à  l'École mûri par l'effort et soucieux de tenter le développement d'un Laboratoire de Mécanique des Fluides. Je rencontrais là  des figures connues que je ne saurais toutes rappeler. Brochemin, Gobin et d'autres en étaient. Avec le temps, grandissaient des bruits prometteurs car Paul Comparat n'était pas inactif. Il pétrissait le devenir de l'École par des voies administratives, si bien que l'idée d'une reconstruction se faisait jour. Elle se maria avec d'autres projets entre autres une filiation plus forte avec l'École Centrale de Paris, école prestigieuse dont nous avions l'avantage de partager presque le nom. Puis le projet d'une reconstruction se concrétisa, Paul Comparat montrant en fin de compte qu'il avait l'art d'associer à  ses vues les grandes instances administratives. Concours communs, reconstruction sont des actifs à  porter à  l'initiative de Paul Comparat. Aucun centralien ne peut les oublier. Si je mesure cette action administrative à  l'aulne de développements possibles apportés aux laboratoires, le résultat est immense. L'École était installée en 1967 à  Écully. Cette résurrection  posa les bases d'un développement à  une tout autre échelle. Le Laboratoire de Mécanique des Fluides devint attractif pour des collègues de grande qualité telle Melle Comte-Bellot. Un statut universitaire accordé à  nombre d'entre nous permettait la mise sur pied d'un programme de thèses. Tout cela en avance sur ce qui pouvait se faire par ailleurs. Il faut dire que le doyen Braconnier (université Claude Bernard) fut d'une extrême compréhension et je dois aussi rendre hommage à  mes maîtres grenoblois qui se refusèrent de considérer ces développements comme une concurrence mais bien plus comme une capacité pour eux d'essaimer.

5Les événements de 1968 heurtèrent à  peine l'édifice car Paul Comparat aimait le monde étudiant qu'il administrait. Il communiqua à  certains d'entre nous ce goût d'un contact que les nécessités scientifiques ne nous permirent pas toujours de développer autant que nous l'aurions désiré. Que les étudiants sachent cependant quel plaisir nous avons eu de vivre avec eux.

6Sur un problème administratif, Paul Comparat se heurta à  l'administration centrale. Il ne tolérait pas que son établissement fut traité d'une façon qui ne correspondait pas à  ses vues. La fatigue joua peut-être, bref Paul Comparat démissionna en 1976 de son poste. Ce fut un directeur regretté. Il avait donné à  l'École une partie de sa vie. En cette période d'anniversaire, nous nous devons de l'associer à  nos souvenirs et à  notre joie.

Pour citer ce document

Jean Mathieu, «A la mémoire de Paul Comparat», Histoire de l'École Centrale de Lyon [En ligne], Mémoire de l'École Centrale de Lyon, Portraits, mis à jour le : 03/12/2008, URL : http://histoire.ec-lyon.fr:443/index.php?id=952.